Jour 1- Meeting virtuel - 11h30-11h45
État actuel de la conservation ex situ et in situ de la noix de coco - Par le Dr Roland Bourdeix
Diapositive 01 - Introduction
Chers participants et collègues, je vais présenter, pour environ 15 minutes, l'état de la conservation ex situ et in situ du cocotier, et quelques recommandations et questionnements connexes.
Diapositive 02 – Contenu
Après un bref rappel des termes techniques liés à la conservation du cocotier, nous discuterons des échanges et des mouvements passés et présents du germoplasme du cocotier. Ensuite, on parlera de conservation in situ, de conservation ex situ. Nous terminerons en ouvrant la discussion sur la manière d'améliorer l'efficacité des systèmes actuels de conservation du cocotier.
Diapositive 03 - Glossaire
Cette diapositive vous a déjà été présentée au cours de la première journée de ce séminaire. Je vous la présente brièvement, sans relire les définitions. Elle rappelle les termes importants que nous utiliserons dans cet exposé.
Diapositive 04 – mouvement in situ et de germoplasme
Dans le passé, des centaines de variétés de coco ont été déplacées par les agriculteurs, les marins et les prêtres. Ils ont transféré beaucoup plus de variétés que les actuelles collections ex situ.
Sur de nombreuses îles du Pacifique, planter des cocotiers provenant d'un autre endroit est une pratique traditionnelle et culturelle. En Polynésie française, les populations locales ont généralement au moins un cocotier d'une autre île, planté dans leur plantation, dans leur jardin, ou même dans la rue devant leur maison. Les variétés introduites librement par les hommes ont contribué à créer la diversité du coco d'aujourd'hui. Par exemple, cette étonnante naine rouge compacte, trouvée dans un jardin de Bora Bora, a été sélectionnée parmi la descendance d'un Nain Brun Compact introduit des îles Cook, par un jardinier, dans les années 1950. Les transferts internationaux par les agriculteurs sont désormais interdits en raison des règles de quarantaine et du risque de transmission de ravageurs et de maladies. L'interdiction actuelle menace l'avenir de cette diversité, à moins que les banques de gènes ne prennent le relais.
Diapositive 05 – in situ
Beaucoup d'agriculteurs et de jardiniers ne sont pas encore pleinement conscients de l'importance cruciale de leur action. Ils maintiennent la diversité génétique du cocotier dans les paysages agricoles et humains. Accroître leur engagement envers la conservation nécessite davantage de communication et de sensibilisation. Dans le cas du cocotier, la conservation in situ relève encore du secteur informel. Les agriculteurs se débrouillent avec leurs savoirs ancestraux, leur inventivité, leur adaptabilité, et leur accès plus ou moins facile aux techniques modernes. Dans la région du Pacifique, moins de dix pour cent d'entre eux ont accès aux variétés améliorées et les utilisent. Dans le cas du cocotier, il n'existe pas d'actions incitatives, telles que des financements étatiques, qui seraient allouées aux agriculteurs qui jouent un rôle important dans la conservation in situ. Dans le passé, il y a eu quelques programmes dans les mouvements de « réduction de la pauvreté » et de « conservation par l'utilisation ». Des machines et des connaissances techniques pour préparer des produits à base de coco ont été mises à la disposition des communautés rurales. Ces programmes ont été efficaces dans certains cas pour la « réduction de la pauvreté ». Jusqu'à présent, ils ont été presque inefficaces dans leur contribution à la sauvegarde des variétés de coco. L'efficacité de la conservation in situ des cocotiers est réduite, du fait de la difficulté des agriculteurs à contrôler la reproduction de leurs cocotiers. Nous en parlerons en détail dans un prochain exposé. Il existe des cadres juridiques. L'article 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture souligne la contribution cruciale des communautés locales et autochtones et des agriculteurs à la conservation des ressources phytogénétiques. Cet article encourage la protection et la promotion des droits des agriculteurs concernant les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Cela comprend : 1) la protection des connaissances traditionnelles, 2) le droit de participer équitablement au partage des avantages découlant de l'utilisation du matériel génétique et 3) le droit de participer à la prise de décisions, au niveau national, sur des questions connexes. Dans les organisations agricoles internationales, nombreux sont les experts qui parlent savamment de la conservation in situ. Mais, lorsqu'il s'agit d'actions concrètes pour le cocotier, rien ne se passe. La conservation in situ, c'est aussi la liberté pour les agriculteurs de gérer leurs variétés comme ils l'entendent. Ils peuvent partager ces variétés avec leurs proches, voire les rentabiliser en les commercialisant. En effet, nous verrons dans la diapositive suivante que la conservation et la diffusion de variétés de coco peuvent être des activités très rentables.
Diapositive 06 – In situ, l'exemple de Fakahina Dwarf
Dans cette diapositive, on compare deux variétés, à gauche le Nain Vert du Brésil, qui est planté sur plusieurs dizaines de milliers d’hectares pour la production d’eau de coco. A droite un Nain vert planté sur un petit attol perdu des Tuamotu, en Polynésie française, qui se nomme Fakahina. On voit que le Nain de Fakahina présente une bien meilleure composition. Il existe seulement quelques exemplaires de ce Nain sur l’Attoll. Quand nous sommes arrivés, la propriétaire voulait couper ce cocotier. Maintenant, grâce à la publication d’un bon catalogue et à la mise à disposition des informations sur le Web et les réseaux sociaux, elle vend une semence à environ 100 dollars américain. Ce cas est un peu extrême mais on peut penser que notre action a sauvé la variété. En effet, les jardiniers qui payent une semence à 100 dollars vont en prendre soin et sécuriser la conservation.
Diapositive 07 – Mouvement ex situ et de germoplasme
Pendant près d'un siècle, les scientifiques ont travaillé avec beaucoup de détermination et de persévérance pour réussir des échanges et des transferts internationaux de variétés. Ils travaillaient souvent dans des conditions très difficiles. Un exemple intéressant est l'histoire de l'introduction de la variété Karkar Tall de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Karkar est l'île où feu le Dr Uron Salum, mon mentor et ami, avait sa maison. Il y a cinquante ans, un échange s'est fait avec la collection de Côte d'Ivoire, en Afrique de l'Ouest. En mai 1971, mille semences de Karkar ont été expédiées par bateau de Port Moresby vers l'Afrique, mais elles ont été détruites à Singapour. En septembre 1974, une seconde introduction est tentée, cette fois par avion. Cent vingt semences de Karkar ont été expédiées de LAE, mais elles ne sont arrivées en Côte d'Ivoire que le 30 janvier 1975. Trop tard, aucune de ces semences n'a germé. La troisième introduction a eu lieu en 1975, toujours par avion. Cette fois, les chercheurs ont réussi à faire germer les noix. Ils les ont plantés dans la collection africaine. Au cours des 50 années suivantes, le Karkar Tall a été envoyé de Côte d'Ivoire vers une dizaine d'autres pays producteurs.
Diapositive 08 – Conservation in situ
Les décisions des agriculteurs concernant la taille et l'emplacement relatif de leurs champs ont un impact significatif sur la diversité des cultures locales. Les champs peuvent être grands ou petits, rapprochés ou largement séparés. Selon la biologie reproductive des cultures considérées, cette structuration peut avoir divers effets sur la diversité génétique des cultures.
Diapositive 09 - Deux principales recommandations de la stratégie
La dernière mise à jour globale de la base de données a été réalisée en 2012 dans le cadre du projet « upgradeing genebanks » financé par le Trust. Le système mondial actuel basé sur cinq banques de gènes internationales et 19 banques de gènes nationales n'a pas été pleinement efficace en termes de qualité de conservation et de partage de matériel génétique. Certaines banques de gènes nationales (par exemple Philippines, Sri Lanka) assurent une conservation de meilleure qualité et échangent ou fournissent plus de variétés que trois des banques de gènes internationales. Actuellement, certaines variétés sont conservées dans plus de 15 pays de banques de gènes, y compris tous les pays internationaux, et certaines autres variétés sont conservées dans une seule banque de gènes. Ainsi, les principales recommandations étaient :
- Premièrement, doubler le nombre de banques de gènes internationales.
- Deuxièmement, mettre en place un système de triplication. Pour un cultivar donné, pas plus de trois accessions localisées dans trois pays distincts seront financées par le système international.
A l'avenir, il a été envisagé que toute banque de gènes nationale assurant le niveau de qualité de conservation requis et réussissant à placer une partie de son germoplasme sous mandat international puisse obtenir le statut de Banque internationale de gènes de la noix de coco.
Diapositive 10 – Schéma prospectif de l'évolution du nombre de cultivars
Voici un diagramme prospectif sur l’évolution du nombre de variétés et populations conservées in situ. Lorsque j’ai présenté la première fois ce diagramme, certaines personnes m’ont dit que c’était trop ambitieux. En fait, les échanges que j’ai eu par la suite semblent indiquer que le nombre global de population collectées à travers le monde est beaucoup plus élevé. Les chercheurs ont continué à beaucoup collecter. Ils ont souvent collecté des variétés avec de faibles effectifs, car certaines variétés et formes intéressantes sont représentées par moins de 5 individus. En revanche aucun travail n’a été réalisé depuis 2012 au niveau global pour tenter de détecter et de supprimer les doublons. De plus la majorité des collections n’ont aucun moyen de reproduire les accessions de façon fidèle au type. Beaucoup d'accessions sont donc actives pour au mieux une cinquantaine d’années, ensuite elles disparaissent ou sont mélangées. Comme il n’y a pas eu de suivi détaillé depuis 2012, on arrive à une situation de fouillis. On ne sait plus au niveau global ce qui a été collecté, ce qui est dupliqué, ce qui a disparu, et ce qui a été régénéré ; et si cette régénération a été réalisée de façon fiable.
Diapositive 11 – Conservation ex situ -contraintes
Ces accessions sont généralement constituées de groupes de 30 à 150 cocotiers provenant d’une même origine, plantées dans des dispositifs expérimentaux, avec une variété témoin de référence qui permet de comparer les productions. Par exemple, en en Côte d’Ivoire, sur cette parcelle, on avait planté 9 variétés de cocotiers nains en comparaison avec un témoin Nain Jaune Malaisie. Malheureusement la parcelle n’a pas été entretenue. Beaucoup d’arbres sont morts étouffés par la végétation ; En 2022 la parcelle a été complètement rasée sans que les accessions aient été reproduites ailleurs, occasionnant une perte importante pour la collection internationale.
Les principaux facteurs qui limitent l’efficacité des collections ex situ sont le faible de taux de multiplication du cocotier, l’absence de reproduction clonale, la difficulté et le cout élevé des fécondations contrôlées pour reproduire les cocotiers fidèles au type.
Pour réaliser les fécondations contrôlées il faut, d’un côté, ensacher l’inflorescence après l’avoir émasculée, et de l’autre côté, ensacher une autre inflorescence pour récolter le pollen. Quand les fleurs femelles deviennent réceptives, un mélange de talc et de pollen est pulvérisé dans le sac. Le rendement de ces fécondations avec sac est très faible.
En 2023, la plupart des collections du réseau COGENT ne dispose pas d’une technique fiable de fécondation contrôlées. Seules 2 collections internationales parmi les 5, et 4 à 5 parmi les collections nationales sont capables de réaliser des fécondations fiables et à grande échelle. La conservation à long terme est donc loin d’être optimale.
Diapositive 12
Chers participants et collègues, merci de votre écoute.
© R. Bourdeix, section DIFF-009-4.2, 2023