Le texte suivant est une version enrichie d'une partie du chapitre "Towards Innovative Coconut Breeding Programs", par Dharshani Bandupriya, Chandrika Perera, Messias Pereira and Roland Bourdeix, publié dans le livre Springer de 2020: Coconut Biotechnology: Towards the Sustainability of the ‘Tree of Life', edité par Steve Adkins, Mike Foale, Roland Bourdeix, Quang Nguyen, et Julianne Biddle. En 2022, le texte a été relu et approuvé en Côte d'Ivoire par l'équipe du programme cocotier du CNRA (en particulier Dr J. L. Konan, Directeur Scientifique du CNRA, Dr N. Hala, Chef de programme cocotier et Dr K. Allou, Entomo-phytopathologiste).
Selon le regretté
M. Uron Neil Salum (2021) « Dans de nombreux pays de la région Pacifique, il ressort de nombreuses discussions avec les parties prenantes que, actuellement, le risque majeur est
de ne pas trouver de matériel de plantation efficace. Parfois, les agriculteurs ne sont tout simplement pas conscients de l'existence de variétés améliorées ; ou ces semences ne sont pas disponibles, ou leur disponibilité est trop faible ; les listes d'attente pour les graines de variétés améliorées dépassent parfois plusieurs années ; ou le coût de ces graines reste trop élevé pour le budget des agriculteurs. Scientifiques et décideurs politiques doivent donc travailler ce sujet en priorité, sans exclure la possibilité de former les planteurs à produire eux-mêmes de meilleures semences."
Une méthode de propagation clonale efficace ouvrirait la voie à l'amélioration de l'industrie du cocotier en mettant à disposition du matériel de plantation certifié exempt de maladies, pour répondre à la forte demande, à condition que la qualité génétique et la stabilité des clones puissent être assurées. De plus, la production de clones de cocotier peut avoir un impact positif direct sur la conservation du matériel génétique.
Au cours des dernières décennies, les explants de plumules ont été préférés par les chercheurs en laboratoire en raison de leur meilleure réponse par rapport aux autres explants. Cependant ce type d'explant n'est pas du tout le plus pratique pour les sélectionneurs. En raison de la pollinisation croisée du cocotier, la production de clones aux performances inconnues est l'inconvénient majeur de l'utilisation d'explants de plumule. En effet, il n'était pas possible de reproduire un génotype, mais seulement la descendance de ce génotype, et c'est une contrainte majeure pour reproduire les meilleurs hybrides.
Plus récemment, en 2021,
une nouvelle méthode de micropropagation a été découverte, basée sur la formation de pousses axillaires. Cette méthode de micropropagation innovante pourrait permettre la production de plantules in vitro de haute qualité, fidèles au type et exemptes de maladies. Comme elle reproduit des génotypes et pas seulement la descendance d'un génotype, cette nouvelle technique, si elle est confirmée, pourrait résoudre la pénurie mondiale de semences de cocotiers.
Il est essentiel d'éviter l'erreur consistant à appliquer des méthodes de laboratoire sophistiquées à des matériaux biologiques douteux, dont les performances et les caractéristiques ne sont pas correctement évaluées sur le terrain.
|
Par exemple, il ne suffit pas d'identifier, dans les champs des agriculteurs ou dans des expérimentations hétérogènes mal conduites, quelques cocotiers qui présentent des caractéristiques apparemment favorables au clonage. Cela ne révolutionnera pas la culture du cocotier et ne satisfera pas les agriculteurs.
L'analyse présentée dans
notre chapitre du livre Springer 2020 montre que la plupart des programmes conventionnels de sélection de cocotiers sont actuellement confrontés à des impasses matérielles et méthodologiques. Les budgets et surfaces d'expérimentation alloués à ces programmes restent souvent insuffisants pour réaliser des progrès génétiques substantiels. L'amélioration des hybrides est négligée et souvent méthodologiquement limitée.
Il y a un grand risque que des dizaines de chercheurs soient absolument persuadé d'avoir les meilleurs clones du monde, alors qu'ils ont seulement choisi des arbres qui avaient un phénotype favorable, sans recourir à des techniques fiables d'amélioration génétique: il y a un grand risque que cette situation engendre une grande confusion pour les utilisateurs, et en particulier les agriculteurs.
Les meilleurs clones de cocotiers seront trouvés dans des expérimentations au champ spécifiquement conçues pour l'amélioration génétique et/ou la sélection clonale : après un premier choix des meilleures descendances, les meilleurs arbres au sein de ces descendances devront être utilisés pour une propagation clonale conforme au type. |
Actuellement, de nombreux programmes de sélection consacrés aux hybrides de cocotiers se limitent à tester de nouveaux croisements entre les variétés traditionnelles de cocotiers. Les obtenteurs collectent de nouvelles variétés traditionnelles et les introduisent dans leur collection ; puis ils créent et testent de nouveaux hybrides, généralement en privilégiant les types Nains × Grands, et plus récemment les types Nains × Nains.
Les cocotiers individuels choisis dans les variétés parentales sont sélectionnés sur leur phénotype et non sur la valeur de leurs descendances individuelles. Ce type de méthodologie ne permettra pas de maintenir un progrès génétique substantiel. Geraldo Santos, un célèbre sélectionneur de cocotiers, décrivait déjà cette situation dans les années 2000 : "aux Philippines, nous avons testé plus de 100 hybrides entre les types Grands et Nains, maintenant c'est OK, nous ne voulons pas en tester plus !" (R. Bourdeix, communication personnelle). Si les sélectionneurs continuent à utiliser la même méthode encore et encore, les résultats seront limités. Les rendements plafonneront.
Les hybrides qui sont considérés comme les « meilleurs » entre les variétés traditionnelles ont parfois été améliorés en utilisant la méthode de test d'aptitude individuelle à la combinaison, qui tire parti de la variabilité génétique au sein des variétés de type Grand.
|
Exemple de schéma d'amélioration d'un hybride de type Nain x Grand |
Ceci peut être expliqué à l'aide de l'exemple suivant : PB113 est un hybride développé en Côte d'Ivoire croisant le CRD (Cameroon Red Dwarf) et une population sélectionnée de RIT (Rennell Island Tall). Leurs excellentes performances ont encore été améliorées. Quarante-cinq palmiers parents RIT ont été croisés individuellement avec CRD. Les descendances obtenues sont donc des familles de demi-frères issues chacune d'un RIT comme mâle et de plusieurs CRD comme femelle. En l'absence de méthode de clonage sécurisée ne détruisant pas les palmiers prélevés ; les parents mâles testés individuellement ont été conservés et multipliés par autofécondation. Les meilleures autofamilles, chacune constituée d'environ 100 individus, sont conservées comme donneurs de pollen pour la production de graines. Les résultats de ces expérimentations montrent que la sélection des meilleures familles donne 15 à 30% de progrès génétique sur les rendements. Il est à noter que ces expériences ont été principalement plantées en Côte d'Ivoire avant 1990. Le Vanuatu a également planté quelques expériences mais n'a pas encore communiqué leurs résultats aux agriculteurs.
Les meilleures familles de demi-frères localisées dans ces expériences font partie des descendances où les meilleurs individus et clones pourront être efficacement choisis. Ce choix bénéficierait d'une génération supplémentaire de sélection. En Côte d'Ivoire, cette nouvelle génération n'a pas encore été initiée, et les expérimentations existante sont aujourd'hui menacées par l'expropriation possible du Centre de recherche Marc Delorme, mais aussi par le vieillissement, le manque d'entretien ou l'abattage.A l'heure actuelle, on peut considérer qu'au moins 20% des cocotiers qui auraient pu donner les meilleurs clones au monde sont déjà morts.
A notre connaissance, l'amélioration des meilleurs hybrides à l'aide de tests sur descendance n'a été menée qu'en Côte d'Ivoire et au Vanuatu. Heureusement, toutes les données de ces expériences ont été soigneusement conservées dans le logiciel du Cirad "Coconut Data Management". Ainsi, même si certaines de ces expérimentations ont aujourd'hui plus de 30 ans, il reste possible de mener des analyses sur les données anciennes (généralement production de 4 à 12 ou 14 ans) et de sélectionner les meilleurs candidats au clonage. Les techniques moléculaires aideront également à sélectionner les meilleurs clones.
C'est dans ces expérimentations en Côte d'Ivoire et au Vanuatu, et nulle part ailleurs, que seront détectés les meilleurs clones. Ces clones produiront 15 à 20 % de plus que ceux sélectionnés dans les expériences de première génération disponibles dans d'autres pays. Mais les arbres de ces anciennes expériences sont entrain de mourir. Il est donc urgent et crucial de développer un programme de recherche pour sauvegarder ce patrimoine génétique unique. |
©R. Bourdeix, 2022, section CAGC-f, reproduction interdite (transmettez le lien de l'article).
|
Cliquez sur l'image pour voir le poster |