Dès le début du XIVème siècle, il est découvert des pièces en « bois d’Inde » dans divers inventaires mobiliers. Et c’est de noix de coco dont il s’agit en fait! La noix de coco, fruit du cocotier, fut en effet primitivement appelée « noix d’Inde ».
Objets insolites, les noix de coco sculptées étaient à l’origine ramenées par les navigateurs, les explorateurs et exposées dans des cabinets de curiosités. Les plus anciennes se reconnaissent par leur aspect lisse et/ou leur décor guilloché.
Au XVIIème siècle, les noix de coco sont rapportées en plus grand nombre d’Inde et de Chine : elles se démocratisent et perdent malheureusement leur caractère exceptionnel.
En tant qu’objets curieux, elles deviennent nombreuses à posséder une monture en argent ou vermeil, qui plus est, parfois émaillée. Elles sont, dès lors, considérées comme des objets précieux et apparentées à des pièces d’orfèvrerie.
Les décors évoluent, ils deviennent très raffinés : on y voit de charmantes scènes animées, des personnages mythologiques, des personnalités de l’époque, des décors à la « Bérain », les putti, …
Dès le XVIIIème siècle, ce sont les marins qui, au cours de leurs voyages et expéditions, les acquéraient lors de leur passage au large des bagnes ou dans les îles.
Certaines de ces noix, vous l’aurez compris, sont ce qu’on appelle un « art de bagnard ». Les voyageurs, qui visitaient les bagnes, les achetaient au magasin du bagne comme souvenir. Certaines ont été réalisées par les marins eux-mêmes, lorsque des campagnes de pêche par exemple. Elles leur permettaient d’occuper leur temps libre avec une matière première facile à trouver car la noix de coco flotte bien sûr.
Ces objets décoratifs étaient ramenés à la famille ou bien à l’être aimé qui avait patiemment attendu. Elles se reconnaissent par les scènes qui les ornent : déclaration d’amour, demande en mariage, autel d’amour (autel surmonté d’un cœur enflammé et/ou transpercé de flèches) colombes se béquetant, portrait de la femme aimée, monogrammes des deux amoureux, …
Il existe en outre des noix de coco qui furent sculptées par les prisonniers français, lors des guerres napoléoniennes. Ces objets bien particuliers prennent le nom de « travail de ponton ».
En effet, les prisonniers français furent parqués et oubliés sur les pontons de vieux gréements militaires désarmés dans les bais du Sud de l’Angleterre : Southampton, Plymouth, Weymouth, …
Ces noix de coco se reconnaissent par leur décor tout à fait militaire : profils de Napoléon, trophées, scènes de bataille, … « (…) L'endroit de l'Europe où se travaillent mieux ces sortes de fruits aussi bien que l'ivoire, est à Dieppe » (Pomet, Hist. des drogues, dans DE LABORDE, Émaux, p. 406).
Il existait donc des ateliers parisiens et dieppois dans lesquels, les noix de coco étaient travaillées avec des outils plus sophistiqués et permettant plus de précision : la finesse de la sculpture et l’originalité des décors permettent d’identifier la provenance.
La grande majorité de noix étaient en effet sculptées au canif, ce qui ne permettait pas une grande qualité de sculpture.
Il faut ajouter que de très nombreuses noix de coco sont arrivées en France par les ports importants de l’époque comme Dieppe, Bordeaux et Toulon (important centre de détention avant le départ pour le bagne).
Peut-être vous demandez-vous alors : peut-on savoir d’où provient une noix de coco sculptée ? En terme d’iconographie, peut-on identifier la provenance d’une noix sculptée ?
Oui, il est possible de savoir d'où provient une noix de coco sculptée et c’est le décor qui vous orientera. Dès 1795, des prisonniers révolutionnaires débarquent en Guyane et en 1798, 376 nouveaux déportés arrivent : il s’agit essentiellement de prêtres, littéralement déportés par la Révolution Française.
Il va de soit que les thèmes sculptés seront en étroites relations avec la condition sociale ou politique de « l’artiste ». Ce qui était sculpté était réalisé de mémoire, car les bagnards n’avaient ni gravures, ni modèles auxquels se référer. Il y a donc parfois une certaine gaucherie, des disproportions ou approximations dans le décor. Mais c’est là tout le charme de ces objets.
Celles qui ont été sculptées dans des ateliers parisiens ou dieppois ont une iconographie forcément plus fine, gracieuse et en corrélation avec les modes décoratives du moment.
Les scènes variées, originales et toujours d’une grande délicatesse. Les iconographies qui sont représentées peuvent être religieuses, issues de la Bible ou de la mythologie. Il existe aussi des scènes de chasse à courre (souvent pour les tasses de chasse : noix qui possèdent un anneau de suspension) ou animalières, des scènes galantes, des vues de villes, de bateaux, de paysages.
Certaines noix s’ouvrent pour présenter une scène faite d’éclats de verre, de lichen, de plâtre et de petits morceaux de bois sous forme de diorama.
Certaines noix de coco peuvent aussi porter un décor maçonnique (de nombreux Francs-maçons furent envoyés aux bagnes de Nouvelle Calédonie), des monogrammes, des armoiries, des instruments de musique sous forme de trophées, des allégories révolutionnaires, des portraits en buste de personnages célèbres, mais aussi de simples décors géométriques.
L’avant de la noix comporte naturellement trois trous (si est entière et deux si elle est coupée). Cela permettait la réalisation d’une figure animale imaginaire (soit deux yeux, soit deux yeux et une bouche) ou d’un portait souvent caricatural. Les petits trous des fibres sur les pourtours permettaient de simuler des poils de moustache. Les yeux peuvent être figurés avec des perles de verre, de nacre, d’ivoire et insérés dans deux des trois orifices.
Les collectionneurs s’intéressent au décor mais aussi à la forme donnée à la noix de coco, décorative ou utilitaire. Les noix entières ont servi à la réalisation de poires à poudre : elles se reconnaissent par l’ajout d’un col en métal ou en argent, accompagné du bouchon qui le ferme et de deux excroissances latérales ajoutées qui permettaient de fixer une bandoulière.
Certaines sont sous forme de boites dont le couvercle est issu de la même noix : tirelires, pots à tabac, tabatières, boites à bijoux … Les plus petites sont devenues des piluliers, des tabatières, des étuis à dés, à chapelet… Lorsqu’elles sont divisées en deux, (dans la hauteur ou dans la largeur) les noix de coco deviennent des coupes, des gobelets sur pied, des calices, des tasses de chasse ou simplement des objets décoratifs.
Les plus insolites sont sous forme de hochet, d’encrier, de panier, de berceau. Les plus prisées, sont cerclées d’argent et montées soit en argent soit en bronze.
Dernière info pour la France, Paul Gauguin a sculpté des noix de coco, elles sont typiques de son travail et aujourd’hui extrêmement recherchées.
Amis collectionneurs, bonne nouvelle : il n’y a pas qu’en France que l’on peut trouver des noix de coco sculptées. Voici un rapide aperçu de ce qui s’est fait ailleurs.
Les noix américaines sont plus souvent gravées que sculptées. Les sujets les plus courants sont drapeaux, aigle aux ailes déployées et blasons. Elles sont très souvent datées et localisées, elles commémorent un lieu, une bataille, un voyage. Les plus anciennes datent de la toute fin du XVIIIème siècle.
Les noix mexicaines sont très belles car leur sculpture est très fine et les noix souvent travaillées en ajours. Les plus rencontrées sont des tirelires ajourées et les décors les plus courants sont des personnages, des vues de paysages, des évènements politiques et naturels (éruption d’un volcan par exemple) et des scènes animées. Elles sont très souvent situées et datées et portent le nom du destinataire ou de celui qui l’a réalisée. Elles ont, quant à elles, majoritairement été faites par les prisonniers.
Elles se reconnaissables facilement grâce à la langue employée pour des dédicaces ou les messages qu’elles portent et par rapport à celles de France, ont une connotation plus « exotique ».
Les noix anglaises et irlandaises sont ornées de pensées, de chardons, d’armoiries, de monogramme, de décors géométriques, d’imitation de vannerie et plus rarement de personnages. Provenant du Royaume Uni, elles ont souvent une monture en argent, pour devenir une coupe, un gobelet, une boite à bijoux, à thé ou à épices. Non montées, ce sont des tabatières, des gobelets simples, des calices avec une jambe en bois.
Les plus anciennes dates du XIVème. Il y en a de très nombreuses sur le marché français et qui ne sont pas identifiées en tant que telles. Collectionneurs de noix françaises, méfiez-vous !
Les Anglais étaient de grands navigateurs. Leur marché est inondé de noix de coco sculptées en provenance d’Inde et de Chine. Ce sont principalement des gobelets pour boire le thé, doublés d’argent à l’intérieur portant un décor asiatique.
Les noix hollandaises et germaniques sont, à mon sens, les plus belles. Les sculptures sont toujours d’une grande finesse. Les monture en argent sont très travaillées et une exceptionnelle qualité. Elles sont transformées en boites, en tasses, en vases, ce sont presque toujours des objets utilitaires avec une forte connotation décorative et toujours d’une grande élégance.
Les noix canadiennes moins recherchées, elles sont moins jolies car plus primitives. Elles sont souvent évidées en petit panier ou petit berceau, parfois monté sur patins. Il en existe avec un décor sculpté qui il est, en général, très simple voire rudimentaire car il s’agit souvent d’un guillochage basique et grossier.
Quelques unes méritent cependant une attention plus particulière car elles arborent des scènes de chasse à la baleine, au phoque, à la manière de certains scrimshaws ou de belles scènes animées.
Et maintenant que vous savez presque tout sur la noix de coco, bonnes trouvailles !