LE DOCUMENTAIRE À 1400€ LA MINUTE

PARTIR À L’ÉTRANGER, CAMÉRA À LA MAIN, POUR TOURNER UN DOCUMENTAIRE : QUEL BUDGET ? QUELS SONT LES ÉLÉMENTS LES PLUS ONÉREUX D’UN TEL PROJET? NUMERICO S’EST PLONGÉ DANS LES COMPTES D’UN REPORTAGE DE 90 MINUTES RÉALISÉ DANS PLUSIEURS PAYS. LE SUJET : CERTAINS JEUNES DIPLÔMÉS DE GRANDES ÉCOLES RENONCENT À UNE CARRIÈRE CLASSIQUE POUR S’INVESTIR DANS L’HUMANITAIRE À LEUR MANIÈRE, EN DEHORS DU CADRE DES ORGANISATIONS COMME LA CROIX ROUGE OU MÉDECINS SANS FRONTIÈRES.
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La société de production qui est à l’origine du projet a accepté de nous ouvrir ses comptes, mais elle a souhaité  garder l’anonymat par respect envers ses journalistes et pour préserver sa relation avec le diffuseur. Elle a également préféré que ni le titre du documentaire ni le nom du journaliste-réalisateur ne soient cités.
Tourné en France et à l’étranger, le documentaire sera diffusé sur France Télévision fin avril. Il raconte le parcours de quatre jeunes de 25 à 30 ans engagés dans cette nouvelle forme d’action humanitaire. Trois d’entre eux sont partis au Paraguay, en Colombie ou au Bangladesh, afin d’aider des associations locales. Le quatrième s’est tourné vers des immigrants sans papiers, en bas de chez lui, à Calais. Un journaliste et un cadreur se sont déplacés pendant une semaine à chaque endroit pour suivre le quotidien de ces jeunes humanitaires.
125 000 EUROS LE DOCUMENTAIRE
La réalisation du reportage a demandé près de quatre mois de travail. Un mois d’enquête, nécessaire pour se documenter et contacter les jeunes humanitaires sur place. Ensuite, le tournage s’est étalé de manière intermittente entre octobre et décembre 2009, à cause de problèmes de visa. Sur ces trois mois, il ne faut compter que 25 jours ouvrables de tournage, c’est-à-dire un peu plus d’un mois. Enfin, le montage a duré presque deux mois, soit 35 jours ouvrables. Cinq personnes se sont investies dans la réalisation du documentaire : un journaliste-réalisateur, un cadreur, un monteur, la chargée de production et le producteur.
Toutes dépenses confondues, le budget du projet s’élève à 125 200 euros. Ce chiffre comprend les droits artistiques, les salaires, le transport et l’hébergement sur les lieux de tournage, la location du matériel ainsi que l’assurance et des frais divers.
LA MOITIÉ DU BUDGET : LES SALAIRES
Plus de la moitié du budget correspond aux salaires : près de 75 000 euros. En brut, le journaliste-réalisateur aura « coûté » 11 000 euros à sa rédaction : 7 000 euros de salaire, plus 4 000 euros de droits d’auteur pour l’écriture et la réalisation du documentaire. Le cadreur et le monteur ont touché, presque la même somme, environ 8 000 euros chacun. Les deux autres salaires importants sont celui du producteur, payé 16 000 euros, et de la chargée de production, payé 6 500 euros. Ensuite, il faut compter 500 euros pour les comédiens qui ont fait les voix off. Le reste des 75 000 euros correspond aux charges sociales, qui s’élèvent à 26 000 euros.
Une grande partie du budget est aussi captée par les frais de déplacement sur le terrain, qui atteignent 20 000 euros. Il faut d’abord compter 9 000 euros en billets d’avion pour les voyages du journaliste et du cadreur au Paraguay, en Colombie et au Bangladesh. Puis 3 500 euros d’hébergement en France et à l’étranger. Enfin, ils ont dépensé environ 5 000 euros pour la location d’une voiture pendant les 25 jours de tournage et pour leurs repas. D’autres frais, comme l’obtention des visas, l’essence des voitures et les vaccins, complètent les 20 000 euros de cette part du budget.
La location du matériel technique pèse considérablement dans le budget de ce type de reportage. Cette dépense s’élève à 23 000 euros, et comprend la location des caméras, des microphones, d’une salle de montage et de mixage, ainsi que l’achat de cassettes et de DVD.
Finalement, il faut compter 6 000 euros de droits artistiques : 1 000 euros pour la composition de la musique, 3 000 euros pour l’écriture du documentaire, 1 000 euros pour sa réalisation et 1 000 euros pour les traductions des témoignages en espagnol et en anglais.
Dernière dépense : l’assurance pour le voyage à l’étranger et pour le matériel, qui s’élève à 1 200 euros.
1 390 EUROS LA MINUTE
Toutes dépenses comprises, le coût de chaque minute de reportage revient donc à 1 390 euros. Un chiffre raisonnable du point de vue de la société de production, mais qui reste impressionnant. C’est le prix de l’ambition journalistique et du professionnalisme.
Martin FOSSATI